« Supposons que quelqu’un prétende ne pouvoir résister à son penchant au plaisir, lorsque l’objet aimé et l’occasion se présentent ; est-ce que, si l’on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l’y attacher immédiatement après qu’il aurait satisfait son désir, il lui serait encore impossible d’y résister ? il n’est pas difficile de deviner ce qu’il répondrait. mais si son prince lui ordonnait, sous peine de mort, de porter un faux témoignage contre un honnête homme qu’il voudrait perdre au moyen d’un prétexte plausible, il tiendrait comme possible de vaincre en pareil cas son amour de la vie, si grand qu’il puisse être. S’il le ferait ou non, c’est ce qu’il n’osera peut-être pas décider, mais que cela lui soit possible, c’est ce dont il conviendra sans hésiter. il juge donc qu’il peut faire quelque chose, parce qu’il a conscience qu’il doit le faire, et il reconnaît ainsi en lui-même la liberté qui, sans la loi morale, lui serait demeurée inconnue